Le Blog Rosamia
Pâques et les chefs d'oeuvres italiens
Par Rosamia
Les célébrations de Pâques débutent bientôt. Moments de fêtes, de retrouvailles en famille et entre amis, ou de recueillement pour les croyants, ces célébrations de la résurrection du Christ revêtent un caractère très important dans la vie des italiens, non moins importantes que celles de Noël.
Bien qu’il existe en Italie de nombreuses très belles traditions et rites autour de ces célébrations pascales, permettez-moi d’aborder ces fêtes sous un angle artistique grâce à des chefs d’œuvres que je vous propose de découvrir, ou peut-être de re-découvrir ? Difficile de faire son choix, parmi toutes les œuvres majeures que Pâques a inspirées…il y en tout de même trois, certes les plus connues et surtout celles qui me touchent particulièrement par leur beauté et par leur histoire.
Grâce à Michel-Ange, Léonard et un autre grand Michel-Ange, il ne s’agit plus simplement de Pâques en tant que fête religieuse : nous devenons les spectateurs de l’esthétique et du génie de leur Art.
LA PIETÀ de MICHELANGELO
La pietà est un thème artistique biblique qui présente la Vierge Marie soutenant le corps sans vie de son fils Jésus Christ.
C’est un cardinal français qui commande à Michel-Ange une sculpture de marbre représentant la Vierge Marie tenant son fils mort dans ses bras pour l’église de Santa Petronilla à Rome, située au sein du Vatican. A la veille des célébrations du jubilé de 1500, le cardinal Jean Bilhères de Lagraulas souhaite en effet que les nombreux pèlerins français puissent admirer une œuvre majeure lors de leur visite dans la chapelle de l’église. Ainsi, de 1497 à 1499 le maître conçoit la Pietà qui mesure 174 cm de haut, 195cm de large et seulement 69 cm de profondeur. Elle est transférée en 1517 à la Basilique Saint Pierre où l’on a le bonheur de l’admirer encore aujourd’hui dans l’une des chapelles de l’édifice, protégée par un épais cristal.
Au cours de sa vie, le maître réalise trois Pietà. La Pietà du Vatican est la première et il n’a que 25 ans. C’est celle qui est considérée comme l’un des plus grands chefs-d’œuvre de Michel-Ange, de la Renaissance et de l’histoire de l’Art.Il sculpte la Pietà de Florence lorsqu’il est bien plus âgé, vers 1550, mais il ne la termine pas, et tente même de la détruire. Il laisse enfin la troisième inachevée à sa mort. Il s’agit de la Pietà Rondanini, conservée à Milan au Château Sforzeco.
Michel-Ange est très exigeant et intransigeant quant à la qualité des matières qu’il utilise pour son travail. Il met ainsi environ neuf mois pour choisir et faire apporter le bloc de marbre parfait de Carrare pour la Pietà de Rome. La sculpture a été réalisée en un seul bloc de marbre blanc. On dit d’ailleurs que sa splendeur est due au temps de lustrage qui est équivalent à celui nécessaire pour la sculpture de son œuvre.
Autre fait étonnant, la Pietà de Rome est la seule œuvre que Michel-Ange ait signé. La raison de cette exception est racontée par Giorgio Vasari, artiste et historien d’art toscan. Il indique dans ses récits que certains gentilshommes de Lombardie admiraient l’incroyable beauté de la sculpture et étaient persuadés qu’elle était l’œuvre de l’un de leurs compatriotes…Michel-Ange, au caractère irascible, qui avait entendu la conversation se cacha dans l’église et sculpta son nom sur la sangle disposée sur le torse de la Vierge.
On retrouve tous les canons de l’art Renaissance dans cette œuvre hors du commun. En particulier la structure pyramidale, symbole d’unité et de perfection divine, qui culmine avec la tête de la Vierge. Nous avons évoqué plus haut les dimensions de la sculpture. Celle-ci est en effet peu profonde car le point de vue de Michel-Ange est frontal. Le spectateur est ainsi en quelque sorte tenu d’admirer le groupe sculptural dans son ensemble pour en percevoir la perfection.
Le drapé très élaboré de la robe de Marie, élément de décor essentiel, accentue la délicatesse et la pureté du corps nu du Christ et met en relief les traits parfaits et jeunes du visage de la Vierge. Cette jeunesse, critiquée à l’époque car considérée comme déplacée, est choisie explicitement par Michel-Ange pour mettre en lumière la chasteté et la pureté de Marie.
C’est une œuvre exceptionnelle qui provoque une profonde émotion. Michel-Ange ne cherche pas à représenter la douleur d’une mère et le calvaire terrestre de son fils, mais de restituer la perfection divine et l’atteinte de la beauté idéale.
L'ULTIMA CENA DE LEONARDO DA VINCI
On l’appelle L’Ultima Cena, la Dernière Cène, ou il Cenacolo Vinciano, soit la salle où l’on dîne dans le style de Vinci. C’est la représentation la plus célèbre de la dernière cène du Christ aussi parce qu’elle est réalisée par l’un des plus grands génies de l’histoire.
C’est le très puissant Ludovico Sforza, dit Il Moro, duc de Milan, qui entreprend, sous la supervision de l’architecte Donato Bramante, des travaux de rénovation du couvent et de la Basilique de Santa Maria delle Grazie. Il commande alors auprès de Léonard une décoration en peinture de l’un des murs du réfectoire.
Cette commande intervient après l’annulation du projet de statue équestre des Sforza, pour laquelle Léonard est très contrarié. De 1495 à 1499 il travaille ainsi sur la Cène, un décor monumental de 460 par 880 cm, l’une des rares œuvres achevées de Léonard, car il était toujours en quête de l’absolue perfection.
Comme pour la Pietà, les canons de la Renaissance sont içi parfaitement maîtrisés : harmonie, symétrie et équilibre. Il est à noter d’ailleurs que Michel-Ange et Léonard se détestaient, et se répondaient par voix d’Art.
L’œuvre, inspirée d’un passage de l’évangile, est une représentation du moment où Jésus révèle la trahison de Judas, l’un des douze apôtres.
La composition est rigoureusement géométrique, toujours pour répondre à une volonté de perfection, c’est-à-dire au divin : la scène, dont le centre est Jésus, à la forme d’un triangle idéal, est divisée en quatre sections, chacune divisée à son tour en deux sections de trois apôtres.
L’environnement qui entoure la table et les convives est également parfaitement symétrique. La perspective ainsi que les effets de lumière donnent une impression de trompe-l’œil. Les émotions de chaque personnage sont admirablement exprimées, dans une exceptionnelle harmonie chromatique.
Les historiens d’arts nous révèlent que la fresque que nous pouvons voir aujourd’hui n’est malheureusement plus qu’une version fade du chef d’œuvre. En effet, la technique et la peinture utilisées par Léonard ne sont pas adaptées au mur exposé Nord (donc froid et très humide) et contigu aux cuisines (variations de températures importantes). De plus, on dit qu’il a souhaité faire sécher l’œuvre plus rapidement en allumant un feu. Ces facteurs ont contribué à détériorer la fresque très rapidement, la dégradation de l’œuvre étant constatée par Léonard lui-même dès son achèvement. Les événements historiques ont également eu un impact désastreux sur l’état de conservation de la fresque notamment les guerres au cours desquelles elle a été exposée sans aucune précaution.
Les traces des trop nombreuses interventions de restauration remontent au XVIIIème siècle, même s’il est apparu que des actions antérieures ont été réalisées. Ainsi, les colles, résines, poussières, solvants, vernis superposés de façon grossière ont empiré l’état de la couche de peinture, sans parler des modifications de détails de l’œuvre originale qui semblait définitivement irrécupérable, à l’aube des années 1970.
C’est alors que les plus illustres historiens d’arts, scientifiques et restaurateurs du monde entier se regroupent sous la supervision de la restauratrice Beatrice Brambilla, pour effectuer la dernière restauration en date. Elle durera plus de vingt ans. Ce chantier titanesque, finalisé en 1999, permet de restituer l’œuvre de Léonard, couverte par des ajouts et des réinterprétations et de consolider la structure très endommagée. L’œuvre originale de Léonard est quelque peu perdue à jamais, toutefois le public peut toujours admirer la version la plus fidèle de l’un de ses plus grands chefs d’œuvres.
LA DEPOSIZIONE DE CARAVAGGIO
C’est la dernière œuvre que je souhaite mettre en lumière, celle du grand Caravaggio, Michelangelo Merisi da Caravaggio.
La Déposition date de 1600-1604 environ.
Elle est considérée comme l’un de ses plus grands chefs d’œuvres. Oui, encore un. Il s’agit d’une commande de Girolamo Vittrice, membre d’une illustre famille romaine pour la chapelle de sa famille à Santa in Valicella (Chiesa Nuova). Après une période d’exposition à Paris, dans le cadre du traité de Tolentino qui formalise la confiscation des trésors artistiques du Vatican par Napoléon, elle est restituée en 1817 pour entrer dans la Pinacothèque du Vatican où elle est toujours conservée.
Le Caravage, d’origine Milanaise, arrive à Rome vers 1592. Il est l'initiateur d’une évolution artistique de la Renaissance grâce à son approche très novatrice.
Il est un artiste complexe, qui contrairement à de grands maîtres, n’a jamais eu d’élèves ou de disciples pouvant poursuivre son œuvre. Il est en effet particulièrement jaloux et possessif de son style pictural unique. Style qui inspira malgré lui de nombreux grands artistes à travers l’Europe. C’est ainsi que nait le Caravagisme.
Au-delà de la scène elle-même, La Déposition présente toutes les caractéristiques propres au style du Caravage : compositions d’une extrême sobriété pour permettre une lisibilité parfaite. Un réalisme extraordinaire de tous les sujets traités. Aucun décor ni détail n’est superflu. Et surtout, la maîtrise de la lumière pour créer son clair-obscur. Chaque œuvre a une source de lumière dont on ne connaît pas l’origine. Elle permet d’animer et de dynamiser la composition dans son ensemble, pour rester concentrés sur les protagonistes.
La Déposition du Caravage met en scène le dépôt du corps du Christ mort sur la pierre tombale qui fermera la sépulture. Il est entouré de femmes pieuses. Tout d’abord la Vierge Marie, dont le visage montre un âge avancé et la souffrance d’une mère qui perd son fils ; puis Marie-Madeleine dont la douleur est palpable et contenue ; enfin Marie de Clopas qui ouvre ses bras au ciel, dans un geste de prière. Quant à Nicodème et Jean, le premier soutient le corps du Christ en tournant son visage vers nous et le second regarde son maître tendrement, pour la dernière fois. Il le tient et lorsqu'on regarde le tableau en détails, il effleure, avec ses doigts l’une des plaies de Jésus dans un réalisme absolu.
Comme dans nombreuses œuvres du Caravage, il exprime içi son admiration profonde pour « l’autre » Michel-Ange, le Florentin. Le parallèle est ainsi une évidence entre la Déposition et la Pietà Vaticane, sculpture réalisée un siècle plus tôt : les bras ballants, la position du corps et du visage du Christ, ses plaies ainsi que le travail de drapés.
C’est la maîtrise des traits parfaitement réalistes et de la lumière qui font apparaître les choses telles qu’elles sont, qui font de cette œuvre une Vérité. Regarder une œuvre du Caravaggio c’est ne plus rien entendre, c’est s'immerger et vivre l’histoire des protagonistes.
Peut-être aurez-vous l’occasion de voir ou revoir ces œuvres lors d’un prochain voyage en Italie ? Dans le premier cas, j'imagine votre émotion. Dans le second, je souhaite et espère que les quelques détails de cet article vous donneront l’occasion de les observer encore plus intensément, et sans doutes d'en découvrir d'autres.